Aux portes de la délivrance


A moins de 400 milles du cap Horn, Groupama 4 progresse rapidement vers l'Amérique du Sud mais l'équipage va devoir enchaîner les empannages avant de rentrer dans l'Atlantique. Les conditions de navigation se sont nettement améliorées et normalement, Franck Cammas et ses hommes seront cap-horniers dès le lever du jour local, vendredi en début d'après-midi (heure française).



L'atterrage sur les côtes chiliennes est déjà programmé pour la fin de ce jeudi et avant le coucher du soleil, la cordillère des Andes apparaîtra à l'horizon ! La première terre depuis le départ d'Auckland, après douze jours de mer dont neuf particulièrement mouvementés… Groupama 4 est en parfait état et l'équipage profite de cette légère « pause » pour allonger la foulée, sans forcer sur la machine et les hommes.

« Le jour va se lever d'ici une demi-heure : actuellement, nous naviguons pour la première fois depuis longtemps avec 25 nœuds de vent d'Ouest-Nord-Ouest, sur une mer nettement plus aplatie. C'est beaucoup moins violent à l'intérieur et sur le pont. On commence à glisser sans à-coups avec nettement plus de toile, même si nous n'avons pas encore tout renvoyé. Nous nous dirigeons vers la pointe Sud de l'Amérique, mais pas directement vers le cap Horn, puisque nous aurons à empanner plusieurs fois le long de la côte, probablement dès la nuit prochaine. Le vent va rentrer de nouveau assez fort de Nord-Ouest : on devrait apercevoir la terre dès ce jeudi après-midi (heure locale). C'est très beau par là-bas et on va pouvoir faire un peu de tourisme… » indiquait Franck Cammas lors de la vacation radio de ce midi.

La fin du très gros temps
La dépression australe a fait des dégâts et seule la moitié de la flotte est en état d'exploiter le potentiel des VO-70. Groupama 4 est passé sans encombres dans cette tempête qui a surtout levé une mer très désorganisée. Au point qu'elle a encore ce matin provoqué une « figure libre » impressionnante sur Abu Dhabi : un virement de bord imprévu avec voiles à contre et quille du mauvais côté… C'est dire si le Pacifique a été (et est encore) particulièrement violent. La bonne gestion du curseur vitesse-sécurité a en fait été le point fort des deux leaders qui n'ont pas cherché à s'imposer en tête, mais avant tout à naviguer en douceur sans trop solliciter la machine.

« Nous avons essayé de trouver nos marques dans le gros temps, sur la façon de régler le bateau, de le ménager tout en allant vite. Nous avons testé différentes configurations de voiles. Par moment, cela ressemble à une navigation en multicoque, où il faut aller en douceur très abattu et les voiles bien débordée, sans utiliser toute la puissance du bateau. Dans l'ensemble, on met plutôt de la toile sur l'avant en prenant des ris dans la grand-voile comme en ce moment sous gennaker de capelage. On a toujours essayé de glisser sur les vagues en souplesse et le barreur doit jouer énormément à la barre pour ne pas ralentir trop brusquement et ne pas accélérer trop fort. On est nettement moins protégé sur un VO-70 que sur un trimaran comme Groupama 3 ! On est un ou deux mètres plus bas sur un monocoque et c'est un peu comme si on était le flotteur sous le vent d'un multicoque… On a mis un mur de voiles devant le barreur pour le préserver, mais il en prend plein la tête. »

Franck Cammas était, il y a deux ans, passé dans les mêmes endroits à l'occasion du Trophée Jules Verne et le Pacifique Sud n'avait pas tout à fait été identique. Surtout que la navigation en monocoque et en multicoque est tout de même très différente…

« Par rapport au Trophée Jules Verne, la traversée du Pacifique a été cette fois beaucoup plus dure. Déjà avec un multicoque, la période de mauvais temps défile plus vite… Sur Groupama 3, on avait eu aussi une grosse dépression avant d'arriver au cap Horn avec 40 nœuds, mais ça n'avait duré qu'une journée. Là, on est resté longtemps (huit jours) dans une mer très formée, parce que ce n'était pas une dépression qui se déplaçait. Elle est restée très stationnaire et nous étions en plus derrière elle ! La mer était croisée et les vagues font moins de sept mètres, seulement depuis hier soir… Il y a eu des moments très durs, surtout de nuit, car nous sommes passés plus tardivement en saison et l'obscurité dure presque autant que le jour. Nous n'avons pas vraiment eu peur, mais c'était stressant longtemps : on s'est habitué progressivement à subir la mer, même si on est parti deux fois au lof… »

Duellistes au cap Horn
La fin de cette cinquième étape n'est pas pour autant achevée : il reste plus de 1 800 milles après le cap Horn avant d'atteindre Itajaï. Le duel entre les Américains et les Français n'en est donc qu'au commencement et de nombreuses opportunités stratégiques pointent à l'horizon. D'abord, il sera important de connaître le décalage entre les deux voiliers à la sortie du détroit de Drake. Un delta de plus de cinquante milles comme c'était le cas ce jeudi midi serait un bon point sans pour autant être suffisant. Car après une remontée rapide au vent de travers, il y aura une dépression à négocier au large de l'Argentine et très certainement du près et du petit temps à l'approche du Brésil.

« Comme tout passage du cap Horn, c'est mythique et c'est une délivrance ! C'est la fin de la partie la plus difficile de la Volvo Ocean Race. On pourra enfin remonter vers le Nord, vers des latitudes plus clémentes et surtout, sur une mer à nouveau aplanie et rangée. Dès l'île des États, il y aura un vrai changement de vie, et un nouveau confort à bord. Les conditions vont changer radicalement parce que maintenant, ce n'est pas une autoroute pour arriver jusqu'au cap Horn. Il va y avoir des empannages, des effets de côte et il y aura du vent de Nord-Ouest fort (35 nœuds), mollissant après le rocher. Il n'est pas sûr que nous serons encore en tête à la sortie du détroit de Drake ! Mais ce n'est pas déterminant d'être leader : ce qui importe, c'est de rentrer dans l'Atlantique avec un bateau à 100% de son potentiel et avec un équipage en pleine forme. »

Classement de la 5ème étape entre Auckland et Itajaï, le 29 mars 2012 à 1300 UTC
1 – Groupama à 2279.3 milles du leader
2 – Puma à 52.3 milles du leader
3 – Telefonica à 379.1 milles du leader
4 – Camper à 1236.8 milles du leader
5 – Abu Dhabi à 1447.8 milles du leader
6 – Sanya : Abandon




WELCOME ON BOARD - 29 Mars 2012

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